Réussir l’intégration de l’IAG : les nouvelles compétences clés à développer

Publié le 8 octobre 2024

Romain Rabier, expert topics et fondateur de Smart Leaders a récemment conduit une étude sur les IA Génératives en entreprise. Il répond à quelques questions

 

Environ 2 ans après le lancement de ChatGPT et l’émergence des IA génératives, quels sont les défis que ces technologies posent désormais aux organisations ?

On voit tout un tas de chiffres passer sur la prétendue adoption des IA génératives dans les entreprises mais la réalité c’est que les plus avancées sont au stade de l’expérimentation et qu’un grand nombre d’organisations, souvent petites et moyennes, n’ont pas les idées claires sur ce que ça peut changer dans leur quotidien et sur la valeur que cela peut générer.

Selon moi on arrive à un premier stade où, après 2 ans de buzz et de surinformation de la part de néo experts et de formateurs en prompt, on va rentrer dans une phase beaucoup plus axée sur la transformation. Cette phase va nécessiter une vision plus holistique du sujet et une véritable appropriation des populations dirigeantes et managériales.

Il va donc falloir dépasser les déceptions et les inquiétudes pour aller vers une logique de transformation stratégique et culturelle comme l’a été le numérique il y a quelques années.

 

Quelles sont les compétences dont l’entreprise va devoir se doter pour réussir cette nouvelle transformation ?

Au-delà d’un certain nombre de compétences techniques que la plupart des dirigeants ou des DRH ont rapidement identifié, il va falloir sortir d’une vision centrée sur le prompt pour aller vers une dynamique qui étudie les impacts des IA génératives sur les modes de fonctionnement de l’entreprise.

C’est exactement ce qui s’est passé avec les projets de transformation numérique des années précédentes, dont on a montré que 70% échouaient en raison de la trop faible prise en compte du facteur humain et de la conduite du changement.

Parmi les compétences qui vont prendre de l’ampleur dans les mois qui viennent, on verra donc le fait de savoir problématiser et contextualiser, l’esprit critique pour analyser les données utilisées et les résultats produits, la connaissance des mécanismes cognitifs et psychologiques, les considérations éthiques ou encore la gestion des compétences de ses collaborateurs.

 

Quels sont les acteurs concernés par ces nouveaux besoins en compétences ?

C’est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle mais tous les acteurs de l’organisation, du dirigeant aux collaborateurs opérationnels vont être concernés. Des premières études de Goldman Sachs jusqu’aux études les plus récentes de Stanford ou du BCG, les recherches et retours d’expérience démontrent que les « travailleurs du savoir » et les cols blancs sont de plus en plus concernés. Et ce à double titre : à la fois dans le fait qu’une partie de leurs activités pourrait être remplacée par l’IA mais aussi dans leur capacité à faire émerger une équipe, un département et à terme une entreprise « augmentés », dans lesquels l’IA est un nouveau collègue.

Si on dépasse les logiques d’automatisation déjà à l’œuvre, les dirigeants vont à la fois disposer d’un sparring-partner pour sortir de leur isolement, de nouvelles capacités stratégiques et créatives, mais en retour ils devront démontrer que leur légitimité de leader repose sur davantage qu’une expertise encodable dans des algorithmes.

Ce sera à peu près la même chose pour les managers, qui auront en plus la tâche de réorganiser les modes de travail selon que les activités seront remplacées ou augmentées par la technologie, et intégrer les changements profonds liés à l’éthique, à la prise de décision ou à la gestion de la performance avec des collaborateurs eux-mêmes d’utilisateurs d’IA.

Enfin, on peut espérer que les Directions des Ressources Humaines adopteront une approche stratégique et prospective pour que tout le monde trouve sa place dans ces organisations (par exemple en déployant des approches d’IA Workforce Planning), et qu’elles profiteront de cette transformation d’ampleur pour investir toujours davantage des domaines clés comme la RSE, la gestion des données, la gestion des risques ou encore les écosystèmes et partenariats.

 

Pour conclure, à quoi ressemblera une organisation qui utilise l’IA de manière intégrée ?

Si on part du principe que des gains de productivité de l’ordre de 20 à 40% sont possibles, à condition de faire un travail méthodique et de se lancer dans des expérimentations dès aujourd’hui, on peut imaginer différents scénarios de gestion de ces gains.

Le premier et le plus simple est de passer plus de temps sur des activités à forte « valeur ajoutée », même si ce concept peut revêtir des réalités différentes selon les contextes et qu’elles ne sont souvent pas définies dans l’organisation.

Le temps gagné peut également être réinvesti sur des activités en manque de moyens mais pour autant importantes comme la gestion des compétences, la RSE, la QVCT ou tout autre projet qui a besoin d’un surplus de ressources. Parmi ces projets, toutes les activités liées au déploiement des IA génératives peuvent devenir les bénéficiaires du temps gagné, pour travailler sur les enjeux de données, des architectures technologiques, de l’éthique, de la formation et de l’accompagnement au changement.

Et puis dans un scénario de moyen terme, ce sont de nouvelles façons de piloter les organisations qui vont apparaître, comme par exemple de nouveaux modèles liés au temps de travail (comme la semaine de 4 jours) et de nouvelles approches de coopétition (par exemple via le partage de compétences entre entreprises sur un territoire donné).

Ce qui est certain c’est que nous sommes au début d’un cycle et que, comme pour tous ceux que nous avons connus ces dernières décennies, il faudra que les entreprises adoptent une approche clairvoyante et responsable pour éviter un certain nombre de désillusions.

Retrouvez l’étude sur les IA Génératives en entreprise ici : https://smartleaders.eu/ia-generative-en-entreprise/

Publié le 8 octobre 2024